Elsevier

Cancer/Radiothérapie

Volume 18, Issue 3, June 2014, Pages 215-221
Cancer/Radiothérapie

Mise au point
Spacers entre prostate et rectum : optimisation des techniques d’irradiation du cancer de la prostateProstate-rectum spacers: Optimization of prostate cancer irradiation

https://doi.org/10.1016/j.canrad.2014.03.001Get rights and content

Résumé

Dans le cadre de la radiothérapie à visée curative du cancer de la prostate, une escalade de dose permet d’améliorer la probabilité de contrôle biochimique, au prix d’une augmentation de la toxicité radio-induite. L’utilisation de spacers biodégradables positionnés entre la prostate et le rectum constitue une nouvelle frontière d’optimalisation de la radiothérapie chez le patient atteint d’une maladie localisée. Après insertion par voie transpérinéale sous guidage échographique, les différents types de spacers permettent de séparer la prostate et le rectum pendant trois à 12 mois en créant une interface d’épaisseur variable entre 7 et 20 mm. En ce qui concerne les gains dosimétriques, tous les types de spacers entraînent une réduction relative du volume rectal recevant au moins 70 Gy (V70) de l’ordre de 43 % à 84 %, indépendamment de la technique d’irradiation utilisée. L’analyse des résultats cliniques préliminaires montre une bonne tolérance et suggère une diminution des effets secondaires aigus. Les indications ainsi que les avantages dosimétriques et cliniques des différents types de spacers rectoprostatiques commercialisés (hydrogel, acide hyaluronique, collagène et ballon biodégradable) sont le sujet de cette revue systématique de la littérature.

Abstract

In the curative radiotherapy of localized prostate cancer, improvements in biochemical control observed with dose escalation have been counterbalanced by an increase in radiation-induced toxicity. The injection of biodegradable spacers between prostate and rectum represents a new frontier in the optimization of radiotherapy treatments for patients with localized disease. Transperineal injection of different types of spacers under transrectal ultrasound guidance allows creating a 7-to-20 mm additional space between the prostate and the anterior rectal wall lasting 3 to 12 months. Dosimetrically, a relative reduction in the rectal volume receiving at least 70 Gy (V70) in the order of 43% to 84% is observed with all types of spacers, regardless of the radiotherapy technique used. Preliminary clinical results show for all spacers a good tolerance and a possible reduction in the acute side effects rate. The aim of the present systematic review of the literature is to report on indications as well as dosimetric and clinical advantages of the different types of prostate-rectum spacers commercially available (hydrogel, hyaluronic acid, collagen, biodegradable balloon).

Introduction

Dans la radiothérapie du cancer de la prostate, plusieurs études randomisées de phase III ont établi qu’une escalade de dose permettait une meilleure probabilité de contrôle biochimique et locorégional de la maladie, ainsi qu’une diminution du risque de métastases à distance, comme démontré par d’autres séries publiées [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7], [8]. Toutefois, le gain de probabilité de contrôle de la tumeur a été contrebalancé dans tous ces études randomisés par une augmentation significative de la toxicité radio-induite au niveau rectale [2], [3], [5]. En effet, il y avait dans l’essai hollandais deux fois plus d’épisodes de rectite actinique ou d’incontinence fécale chez les patients traités à haute dose [5]. Des résultats similaires ont été observés aussi dans l’étude randomisée de Zietman et al. (24 % de cas de toxicité de grade 2 ou plus dans le bras haute dose contre seulement 13 à 70,2 Gy) et dans l’étude du Medical Research Council RT01, avec une augmentation des effets secondaires de grade 2 ou plus de 47 % en passant de 64 à 74 Gy [2], [3].

Afin de diminuer la toxicité liée à l’irradiation tout en permettant un contrôle optimal de la maladie, des nouvelles solutions techniques ont été récemment développées et implémentées dans la pratique clinique. Premièrement, des progrès ont été réalisés dans le domaine des systèmes d’irradiation : par rapport à la radiothérapie externe en deux dimensions ou conformationelle en trois dimensions, la radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI), l’arcthérapie volumétrique modulée (VMAT) et la tomothérapie hélicoïdale permettent désormais de mieux traiter le volume cible tout en diminuant la dose délivrée aux organes à risque avoisinants comme l’urètre, la vessie et le rectum. Deuxièmement, l’introduction dans la pratique clinique de systèmes d’imagerie embarquée (radiothérapie guidée par l’imagerie) a permis de vérifier la position exacte du volume cible ainsi que des organes à risque avant et pendant l’irradiation. Grâce à ces progrès techniques, tout patient traité pour un cancer de la prostate peut, de nos jours, bénéficier d’une radiothérapie hautement ciblée et précise, avec un meilleur taux de guérison et un taux plus bas d’effets secondaires [9].

Toutefois, malgré ces améliorations des techniques d’irradiation et de repositionnement, la paroi rectale antérieure reste un organe à risque critique dans l’irradiation aux hautes doses, étant donné son étroite contiguïté avec la capsule prostatique postérieure. Afin de réduire au maximum les effets secondaires radio-induits à ce niveau, des techniques innovantes permettent désormais d’éloigner la prostate de la paroi rectale, en créant un espace dans la graisse périrectale antérieure grâce à l’injection d’une substance biodégradable. Une fois introduit, ce produit persistera au cours de la radiothérapie jusqu’à son auto-élimination plusieurs mois après sa mise en place. En augmentant la distance entre la prostate et la paroi rectale antérieure d’un facteur 10 environ, une nette diminution du volume rectal exposé aux hauts gradients de dose – nécessaires pour traiter la paroi postérieure de la glande prostatique – peut être escomptée [10].

L’objectif de cette analyse est donc de réaliser une revue systématique de la littérature consacrée aux différents types de spacers commercialisés (hydrogel, acide hyaluronique, collagène et ballon biodégradable), en comparant leurs indications ainsi que leurs avantages dosimétriques et cliniques dans la radiothérapie à visée curative du cancer de la prostate localisé.

Section snippets

Hydrogel de polyéthylène-glycol (PEG)

Il s’agit d’un produit synthétique (SpaceOAR® System, Augmenix Inc., Waltham, MA) à base d’eau et de polyéthylène-glycol (PEG), couramment utilisé dans la pratique médicale lors d’interventions neurochirurgicales et ophtalmologiques. Initialement sous forme liquide, il se transforme rapidement (en dix secondes) en un gel solide au moment de l’injection grâce à une réaction de polymérisation in situ, déclenchée par la mise en contact de deux substances précurseur. Sous guidage échographique

Distance rectoprostatique et gains dosimétriques

L’analyse comparative de la littérature a permis d’identifier plusieurs études rapportant les bénéfices potentiels en termes de création d’un espace rectoprostatique et de gains dosimétriques chez les patients traités par radiothérapie avec adjonction d’un spacer. Les résultats de ces études sont résumés dans le Tableau 1.

En ce qui concerne la création d’espace entre la prostate et la paroi rectale antérieure, l’insertion d’un spacer d’hydrogel de polyéthylène-glycol a conduit à une séparation

Études cliniques

D’après la littérature, il est bien connu qu’il existe un lien étroit entre le degré d’irradiation des organes environnants – mesurable par un histogramme dose-volume – et les effets secondaires radio-induits. Des paramètres dosimétriques comme la dose rectale moyenne et surtout le V70 rectal sont de forts prédicteurs de la toxicité rectale aiguë (survenant dans les 90 jours suivant la fin de la radiothérapie) ainsi que tardive [23].

Parmi les différentes études publiées, certaines ont essayé de

Discussion

Il est désormais clair que dans le traitement du cancer de la prostate localisé, les bénéfices obtenus avec une escalade de dose en termes de contrôle biochimique et local doivent être soigneusement pondérés par un risque plus élevé de toxicité au niveau des organes avoisinants [1], [2], [3], [4], [30], [31], [32]. Au cours des dernières années, d’importants efforts ont été accomplis afin d’augmenter l’index thérapeutique dans le traitement de cette pathologie. D’une part, on a essayé

Conclusion

L’utilisation d’un spacer biodégradable est une technique innovatrice, bien tolérée et facilement réalisable, permettant d’éloigner la paroi rectale antérieure de la prostate, et ainsi de réduire l’irradiation à hautes doses du rectum lors de la radiothérapie du cancer de la prostate localisé. Les données cliniques préliminaires montrent une bonne tolérance après irradiation avec une toxicité aiguë limitée faisant espérer une potentielle réduction des effets secondaires à long terme. La

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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    Dr T. Zilli et Mlle E. Benz ont contribué en égal mesure à la rédaction du manuscrit.

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